La loi n° 32-10 sur les délais de paiement au Maroc

La loi n° 32-10 sur les délais de paiement au Maroc

Tout ce que vous devez savoir:Il s’agit de notre deuxième post sur les délais de paiement au Maroc, nous tenterons d’analyser quelques points de la loi n° 32-10 et d’expliquer les tenants et aboutissants de ses textes d’application. 

Ce post sous forme de question-réponse tend à prévenir les éventuelles difficultés liées au délai de paiement et optimiser la gestion de votre compte-clients.
1.Quel est le taux de la pénalité en cas de retard de paiement d’une créance ?
Le taux de pénalité est exigibles après 60 jours de la prestation, ou le jour suivant la date de paiement convenue entre les parties.
Le taux est composé comme suit :
voir notre plus récent billet sur les pénalités applicables ici
Le plus récent taux directeur de Bank Al Maghrib (soit 2.25% + Une marge de sept points de pourcentage, appliqué au principal de la dette.
Autrement dit, cela se traduit comme suit :
– Le taux directeur de Bank Al Maghreb est fixé actuellement à 2.25 % (La décision de Bank Al Maghreb a été prise à l’issue de la réunion trimestrielle du conseil de la banque centrale, ( 2019, sachant que la loi 32-10 dispose que le taux de la pénalité de retard ne peut être inférieur du taux directeur de Bank Al Maghrib.)
En application des dispositions de l’article premier du décret  n° 2-12-170, le taux annuel de l’indemnité de retard exigible appliqué au principal de : la dette, ne peut être inférieur au taux directeur de Bank Al-Maghrib le plus récent majoré d’une marge de :
– Trois points de pourcentage à compter de 31 décembre 2020;
– Quatre points de pourcentage à compter du 1er janvier 2021.

  1. Mon entreprise adopte la forme de la  société anonyme, existe-t-il une particularité dans la  mise en application de la nouvelle loi ?

Le décret stipule que toutes les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un ou plusieurs commissaires aux comptes doivent publier  dans leurs rapports de gestion la décomposition à la clôture des deux derniers exercices du solde des dettes à l’égard des fournisseurs et ce, par date d’échéance selon les modalités fixées par l’arrêté du 20 septembre 2012.
A noter que les informations à publier dans le rapport de gestion permetteront aux commissaires aux comptes de vérifier le respect de la nouvelle réglementation par lesdites sociétés.

  1. Comment intégrer la décomposition dans le rapport de gestion ?

L’arrêté conjoint du ministre de l’économie et des finances  et du ministre de l’ l’industrie, du commerce et des nouvelles technologies n° 3030-12 du 3 kaada 1433 (20 septembre 2012) relatif au taux de la pénalité de retard et aux modalités de décomposition du solde des dettes fournisseurs dans les transactions commerciales, précise dans son annexe la façon avec laquelle il faut intégrer la décomposition.

  1. Pourquoi est-il nécessaire d’intégrer la décomposition dans le rapport de gestion?

Il est nécessaire d’intégrer la décomposition dans le rapport de gestion de l’entreprise parce qu’il s’agit d’une nouvelle obligation qui sera vérifié par les inspecteurs du fisc en cas de contrôle fiscal, cette obligation est instituée par la nouvelle loi dans le titre IV relatif aux obligations des commerçants.

  1. Faut-il décomposer par date d’échéances le solde global, ou bien le solde de chaque fournisseur ?

Selon le modèle de l’annexe de l’arrêté  ministériel ( l’arrêté conjoint n° 3030-12 du 3 kaada 1433 du 20 septembre 2012), le tableau de la décomposition doit ressortir le solde global des dettes fournisseurs, par dates d’échéances, et ce à la clôture des 2 derniers exercices.
Le tableau doit également préciser :
– Le montant des dettes non échues
– Le montant des dettes échues selon si ces dettes échues de moins de 30 jours, dettes échues entre 31 et 60 jours, dettes échues entre 61 et 90 jours, et les dettes échues de plus de 91 jours

  1. Y a-t-il un modèle pour l’intégration de la décomposition ?

Pour obtenir le modèle du tableau Cliquez ici

  1. Puis je convenir avec mon client pour ne pas mettre en application les pénalités de retard?

Malheureusement, les dispositions de l’article 78.3 de la loi n° 32-10 sont rédigées par des règles impératives et ne permettent pas de renoncer aux pénalités.
A noter que dans tous les cas le délai de paiement ne peut dépasser 90 jours, cela n’affecte pas  la liberté contractuelle qui appartient au fournisseur et client  pour fixer de nouveaux délais de paiement entre eux.
Ce que le législateur a fixé avec la loi n° 32-10, c’est un délai maximum à ne pas dépasser, mais dans les limites de ce délai, la liberté de fixer d’autres délais entre les parties est totalement libre.

  1. Y a-t-il des formalités à respecter pour que les pénalités de retard deviennent exigibles?

Selon l’article 78.3 de la loi 32-10, les pénalités de retard deviennent exigibles sans aucune formalité ou qu’un rappel soit nécessaire de la part du fournisseur , cela constitue une des avancées jugées importantes introduites par la loi n° 32-10

  1. J’ai lu dans l’article 78.4 que les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés ont l’obligation de publier des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs, j’aimerais savoir quelle société est visée par cette articles ?

Il s’agit de la société anonyme, la société par actions simplifiées, la société en commandite par actions.
Ainsi que la société à responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions de dirhams hors taxes à la clôture de l’ exercice social.

  1. Et si le délai n’est pas respecté, que faire pour être payé ?

Si le délai n’est pas respecté, l’entreprise peut recourir au tribunal pour se faire payer par le biais d’une décision judicaire avec des intérêts conséquents.
Certes, la solution du recours judiciaire ne sera pas la bienvenue dans le monde des affaires, pour cela il faudrait prévoir d’autres garanties et mécanismes légaux et contractuels en cas de non-paiement, notamment  le droit de rétention, le droit de revendication, clause de réserve de propriété,ou le crédit documentaire dans le cas du commerce internationale.

  1. Quel est le délai de prescription de l’action de réclamation des pénalités de retard ?

L’action en réclamation des pénalités de retard se prescrit par un an à compter du jour de paiement. ( art 78.3 de la loi 32-10)

  1. Y a-t-il un mécanisme juridique efficace pour  faire face aux retards de paiement ?

Oui,comme il a été dit ci-haut, les mécanismes légaux et contractuels seraient la solution la plus recommandée pour éviter la dégradation de la relation Client-fournisseur, l’un  de ces mécanismes serait la cession de créance.
Toutefois, la loi est silencieuse quant au traitement en cas de cession des créances à un établissement de factoring et la nature de sa relation au débiteur ( nous publions prochainement un post concernant l’abandon de créance), restez branchés !

  1. Je suis fournisseurs j’ai émis des factures qui n’ont pas été réglés par mes clients dans le délai, comment enregistrer comptablement cela ?

Il sera judicieux de provisionner les 10% de pénalités de retard dans la rubrique «produits non courants».

  1. Je n’ai pas payé mon fournisseur dans le délai, comment dois-je traduire cela sur ma comptabilité ?

Si votre entreprise est débitrice et vous n’avez pas payé au délai, il sera judicieux de comptabiliser les pénalités dans la rubrique «charges non courantes».

  1. Est-ce que la loi n° 32-10 s’applique aux marchés publics ?

Le Conseil de gouvernement réuni le 24 mars 2016 a adopté le projet de loi n° 49-115 modifiant et complétant la loi n°15-95 relatif au Code de commerce et à la promulgation de dispositions relatives aux délais de paiement.
Les amendements proposés visent à appliquer cette loi pour les établissements publics exerçant de manière normale ou professionnelle une activité commerciale comme définit par la loi n°15-95 relative au Code de commerce, ainsi que la pénalité de retard dans l’exercice du service accompli, conformément au règlement en vigueur.
Le texte vise à spécifier la nature des pénalités de retard de paiement et à donner aux commerçants la possibilité de fixer un délai de paiement maximum qui dépasse le délai prévu dans la loi, par le billet d’une convention contractuelle entre professionnels dans les différents secteurs, pour une durée ne dépassant pas le 31 décembre 2017.
Ce projet de loi prévoit également la création d’un observatoire des délais de paiement afin de suivre les pratiques des entreprises dans ce domaine et de présenter des recommandations aux autorités publiques dans les affaires y afférentes.
Réf. du décret :
Décret n° 2-03-703 du 18 ramadan 1424 (13 novembre 2003) relatif aux délais de paiement et aux intérêts moratoires en matière de marchés de l’Etat.
B.O n °5166 du 04 décembre 2003

  1. Que faire en cas de contestation d’une prestation ?

En principe,la contestation suspend le délai de paiement, toutefois l’une des conditions de la mise en œuvre des dispositions relatives aux délais de paiement,c’est que la créance doit être certaine.
17. Quid du traitement fiscal et comptable des pénalités de retard de paiement ?
L’article 11 du Code général des impôts prévoit la non-déductibilité des pénalités du résultat fiscal imposable à l’IS, toutefois les produits relatifs à ces pénalités sont imposables et doivent être inscrits dans le compte «des produits non courants» soumis à l’IS.
D’aprés une décision émanant du ministre de finances, au mois de novembre 2013, les pénalités de retard seront déductibles des impôts.
Ainsi:
Pour le débiteur : La loi de Finances 2014 prévoit la déductibilité fiscale des pénalités de retard, ainsi, le client qui se voit appliquer des pénalités de retard de 10% bénéficie de la déduction au moment du décaissement.
Pour le fournisseur : c’est à l’encaissement que ces indemnités, assorties de la TVA, deviennent des produits imposables.
Les provisions de pénalités de retard à payer ou à recevoir :
Ceux-ci doivent être constatées dans les états comptables de l’exercice concerné:
Pour le client : ces provisions ne sont pas déductibles pour le client,
Pour le fournisseur : ces provisions sont imposables au moment de l’encaissement et du décaissement.
Comptablement, les sociétés doivent  inscrire lesdites pénalités dans le compte des produits non courants.
Fiscalement,l’article 9-I-C du CGI prévoit que ces produits non courants font partie des produits imposables à l’Impôt sur les sociétés (I.S).
18. J’ai entendu que la non application des pénalités de retard pourrait entraîner le rejet de ma comptabilité, Est-ce vrai ?
Comme précisé précédemment, les sociétés doivent inscrire les pénalités dans le compte des produits non courants. Si ces pénalités de retard n’ont été pas inscrites, effectivement dans certains cas, il pourrait entraîner le rejet de la comptabilité.
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Conclusion : 
Enfin, Il reste à dire que les entreprises marocaines étaient pénalisées par des délais de paiement plus longs, la loi 32-10 a répondu en imposant une réduction des délais, toutefois, se pose la question de son application pratique.
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