Conservation foncière : les règles changent
La nouvelle loi impose des délais de décision limités pour les conservateurs. La procédure d’opposition a été durcie et les oppositions abusives pénalisées. Des zones à immatriculation obligatoire seront définies pour accroître la superficie de terrains immatriculés.
L’enregistrement du foncier, véritable casse-tête pour l’investissement et l’immobilier avec ses démarches administratives laborieuses, cessera-t-il enfin d’être une contrainte? Avec l’entrée en vigueur de la loi 14-07 relative à la conservation foncière, l’espoir est permis. Le texte attendu depuis le milieu des années 90 a été publié au Bulletin officiel du 24 novembre dernier. Elaboré à l’initiative de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC), il introduit une réforme d’envergure du système de conservation foncière régi jusque-là par un dahir datant de 1913, et dont la dernière modification remonte à 1954. Comme martelé par l’ANFCC tout au long de la gestation de cette réforme, l’objectif recherché en priorité est de simplifier et de parfaire au maximum les procédures se rapportant au régime d’immatriculation, jugées trop compliquées autant par les professionnels que par les employés de l’agence eux-mêmes. Mais d’abord, la loi 14-07 s’attarde à apporter une précision non dénuée d’intérêt, à savoir qu’elle définit précisément la conservation foncière et ses implications alors que le dahir de 1913 n’en donnait qu’une définition sommaire. En outre, le nouveau texte prévoit une adéquation entre le découpage administratif du Royaume et les juridictions de chaque antenne régionale ou provinciale de l’ANCFCC, comme stipulé dans son article 9. Il est également prévu la création de plusieurs conservations au sein de la juridiction d’une seule préfecture ou province.
Immatriculation obligatoire des terrains dans l’axe Casa-Rabat
Pour en arriver à la simplification des procédures, le nouveau texte supprime les certificats d’affichage et les remplace par des accusés de réception. Aussi, il fixe des délais qui s’imposent à tous les intervenants dans les procédures d’immatriculation pour la réalisation de celle-ci. Les délais d’immatriculation qui peuvent aller jusqu’à 2 ans actuellement pourraient être sensiblement réduits pour ne pas dépasser une année. Pour y arriver, la direction générale de la conservation foncière joue sur le raccourcissement du circuit. A cette fin, la nouvelle loi prévoit que des huissiers soient placés dans chacune des agences de la conservation foncière que compte le Royaume. Ces huissiers sont chargés de tous les rapports de la conservation foncière avec les collectivités locales et le ministère de la justice. Et ils devraient veiller notamment au respect des délais imposés par la loi (voir encadré).
Le second grand apport de cette nouvelle loi concerne la procédure d’opposition. Celle-ci consiste en la contestation par une tierce personne de la légalité d’une démarche d’immatriculation. Le nouveau texte durcit les conditions de cette procédure et pénalise les oppositions abusives.
De fait, en cas d’opposition non justifiée, une amende d’au moins 10% de la valeur vénale du bien doit être payée au profit de l’ANCFCC. En outre, avec l’entrée en vigueur de la loi 14-07, l’opposition ne peut se faire que dans un délai de deux mois à partir de la publication de l’avis d’immatriculation (art. 24). La loi octroie par ailleurs au conservateur la possibilité d’éclater le titre d’une propriété immobilière sujette à opposition si cette dernière ne concerne qu’une partie du bien, l’objectif étant de réserver le droit de jouissance du propriétaire sur la partie du bien non contestée.
Sur un autre registre, la loi 14-07 apporte une nouveauté consistant en l’ouverture de secteurs à immatriculation obligatoire. L’idée est d’imposer, dans la limite d’une zone géographique qui sera déterminée ultérieurement, l’obligation pour les propriétaires d’immatriculer leurs biens immobiliers, et ce, afin d’étendre les terrains immatriculés dont la part demeure aujourd’hui très faible selon les services de l’ANFCC. Pour ces terrains devant obligatoirement être immatriculés, la procédure d’immatriculation est gratuite afin de ne pas rebuter les citoyens se trouvant dans l’obligation d’avoir leur titre foncier. Et il est attendu que l’immatriculation obligatoire concerne dans un premier temps l’axe Casablanca- Rabat.
En somme, les nouveautés introduites par le nouveau texte sont nombreuses et pour les porter à la connaissance du public, l’ANFCC envisage de lancer dans les prochains jours une campagne de communication via de multiples supports média.
Délais : Deux ans en moyenne pour immatriculer un terrain !
Immatriculer un terrain au Maroc n’est pas une sinécure. Selon les professionnels et les services de l’Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (Anfcc), cela prend actuellement une moyenne de deux ans. La faute est aux délais des procédures intermédiaires qui dépassent les limites réglementaires. Mais cela devrait changer avec la promulgation de la nouvelle loi sur la conservation foncière.
Par exemple, l’ancienne loi de 1913 obligeait les conservateurs à attendre une correspondance de la part de l’autorité locale de la région concernée, qui atteste que la réquisition a bien été affichée, avant de commencer la procédure d’immatriculation. Cette correspondance doit intervenir dans un délai de deux mois. Mais en pratique, elle n’est reçue que 3 ou 4 mois plus tard.
Autre insuffisance de la situation actuelle?: les oppositions. «Dans le cas où elles ne sont pas justifiées, celles-ci retardent la procédure d’immatriculation en la bloquant parfois pour des années. Or, dans plusieurs cas de figures, des tiers, sans pièces juridiques probantes, provoquent un retard de procédure qui ne manque pas de léser le propriétaire du bien à immatriculer», fait savoir un professionnel. Là aussi, la situation devrait changer avec la nouvelle loi.
La Vie éco